jeudi 11 octobre 2012

Cancer de la prostate PSA ou pas PSA

Magnifique article du site Atoute, à remettre ou expliquer au patient :

Si vous souhaitez simplement vous en remettre à mon conseil, la stratégie est simple : vous avez plus d’inconvénients que de bénéfices à attendre de ce dépistage. C’est l’opinion de la Haute Autorité de Santé française, de son équivalent américain, et de nombreuses sociétés savantes internationales.
Pour autant, je ne vous promets pas que vous n’aurez pas de cancer de la prostate : 3% des hommes en meurent. Heureusement, c’est un cancer qui touche essentiellement les hommes très âgés : l’âge moyen au décès est de 80 ans et seulement 0,1 % des hommes en meurent avant 70 ans.
Ce qui motive ma réticence et celles des autorités sanitaires, c’est que ce dépistage ne sauve pas de vies, et n’évite paradoxalement que peu ou pas de décès par cancer de la prostate. En revanche, ce dépistage induit de façon certaine des cas d’impuissance sexuelle ou d’incontinence urinaire chez des hommes encore jeunes, et quelques accidents plus graves liés aux biopsies de la prostate ou aux traitements.
Le bilan de ce dépistage est donc peu favorable. Néanmoins, certains médecins et notamment les urologues le trouvent utile et continuent à le promouvoir. Il est donc encore largement pratiqué. C’est l’existence de cette divergence de point de vue au sein de la communauté médicale qui me conduit à vous remettre ce document informatif. Si vous voulez en savoir plus avant de prendre votre décision, lisez les pages qui suivent.
Notez que vers la cinquantaine, les troubles urinaires tels que des envies plus pressantes et des levers nocturnes sont banals et n’évoquent pas particulièrement la présence d’un cancer de la prostate.
Vous me direz lors de notre prochaine consultation si vous souhaitez ou non que je vous prescrive un dosage des PSA. Si votre réponse est positive, je vous proposerai également un toucher rectal pour compléter le dépistage.

Explications détaillées sur le dépistage du cancer de la prostate

Le principe du dépistage des cancers paraît une évidence : soigner tôt, prendre la maladie à temps pour extirper la tumeur et sauver le patient. Voila qui semble peu contestable. Pourtant et paradoxalement, certains dépistages peuvent entraîner plus d’inconvénients que de bénéfices.
Il n’existe pas de dépistage systématique du cancer du poumon, du pancréas, du rein, de la thyroïde, du testicule, des os ou des ovaires. Vous n’avez jamais entendu parler de campagne de dépistage concernant ces cancers.
La raison en est simple : Ces dépistages peuvent faire plus de mal que de bien. Les circonstances qui annulent l’intérêt du dépistage sont les suivantes :
- La maladie est incurable (le dépistage a alors comme seul effet d’apprendre plus tôt au malade qu’il va mourir. C’est le cas du cancer du pancréas.).
- La maladie se soigne aussi bien quand elle finit par donner des symptômes. Un dépistage visant un diagnostic très précoce a donc peu d’intérêt (c’est le cas du cancer du testicule).
- Aucun test simple ne permet d’identifier correctement le cancer avant qu’il ne devienne incurable (cancer des os).
- Et enfin, la cause la plus fréquente : Le dépistage aboutit trop souvent à considérer à tort des lésions non évolutives ou bénignes comme de dangereux cancers, et à opérer ou irradier des gens qui n’auraient jamais été malades. Quand les vies brisées ou perdues par un dépistage intempestif l’emportent sur celles qui sont sauvées par le dépistage, ce dernier est considéré comme nuisible et n’est pas recommandé. C’est le cas pour le cancer du poumon, des ovaires, de la thyroïde, du rein et, comme nous allons le voir, de la prostate.
Ce que vous êtes en train de lire est donc vrai pour d’autres cancers, notamment pour le fréquent et redoutable cancer du poumon.
Le dépistage du cancer de la prostate n’est pas un acte anodin. Il engage votre santé et n’est pas recommandé par les autorités sanitaires françaises et internationales. Certains médecins, essentiellement les urologues, sont au contraire favorable à ce dépistage. Ce document est donc destiné à éclairer votre décision et doit être lu AVANT de réaliser un dosage sanguin des PSA qui vous engage dans la démarche de dépistage.
Le PSA (initiales en anglais de l’Antigène Spécifique de la Prostate) est une substance sécrétée par la prostate. Son taux sanguin augmente avec le volume de la glande, qui croît naturellement avec l’âge. Les PSA peuvent donc être élevées en l’absence de cancer. En cas de cancer de la prostate, ce taux peut augmenter dans des proportions très importantes.
La découverte d’un taux de PSA anormal ou la palpation d’un nodule suspect pourront dans certains cas conduire à des biopsies, qui détecteront ou non la présence de cellules cancéreuses dans votre prostate. La réalisation de cette analyse peut avoir d’importantes répercussions sur votre santé ; une fois son résultat connu, il vous sera peut-être difficile de décider de l’ignorer si le taux sanguin est élevé.
Les urologues et les cancérologues ont espéré pouvoir rendre service à leur patients en détectant et en traitant précocement les cancers de la prostate grâce au dosage de cette substance. Parallèlement, le toucher rectal permet de rechercher des nodules ou des anomalies de la glande. L’intérêt de cette stratégie n’est pas évident, car du fait de la croissance du PSA avec l’âge, la majorité des hommes qui ont un taux de PSA au dessus de la moyenne n’ont pas de cancer. Un seuil couramment pris en compte pour commencer à s’inquiéter est un taux de 4 ng/ml. Mais encore une fois cette inquiétude est injustifiée dans la majorité des cas. Si ce chiffre est dépassé à plusieurs reprises, ou s’il augmente rapidement, les urologues proposent de réaliser des biopsies de la prostate. Une aiguille est introduite dans la glande en passant par le rectum et des prélèvements sont réalisés puis analysés pour y rechercher des cellules cancéreuses. Ce geste n’est pas anodin. Dans de très rares cas, des accidents graves peuvent survenir, comme des septicémies parfois mortelles.
La détection précoce des cancers est considérée généralement comme une bonne idée, une bonne pratique préventive. Pourtant, comme vous venez de le lire, ce dépistage n’est pas toujours utile, voire paradoxalement néfaste pour certains cancers, par exemple ceux qui sont incurables ; cette révélation précoce n’est alors pas une bonne chose. Tout le monde peut le comprendre.
C’est plus compliqué quand le dépistage sauve quelques vies, mais qu’il présente des effets indésirables suffisamment graves et fréquents pour en annuler le bénéfice. C’est le cas d’un dépistage qui conduirait trop souvent à considérer comme malade une personne qui ne l’est pas. Le bon exemple est celui de la radiographie du thorax dans le dépistage du cancer du poumon : le cancer est souvent dépisté trop tard pour être guéri, en revanche, un diagnostic de cancer est fréquemment porté à tort sur des images suspectes. L’enchaînement des examens et des interventions peut aboutir aux décès de patients qui étaient pourtant en parfaite santé. Globalement, le dépistage du cancer du poumon par la radiographie ne sauve pas de vie et génère des interventions ou des traitements lourds et inutiles. C’est une des raisons pour laquelle la radiographie thoracique systématique en médecine du travail ou lors des bilans réalisés par l’Assurance Maladie a été abandonnée.
Avec le dépistage du cancer de la prostate, nous sommes confrontés au même problème. La présence de cellules cancéreuses dans la prostate de l’homme de plus de 50 ans est très fréquente : près de la moitié des hommes ce cet âge en sont porteurs, et ce pourcentage frôle les 100% au delà de 90 ans. Heureusement, seuls 3% des hommes meurent d’un cancer de la prostate, et généralement à un âge avancé. La présence de cellules cancéreuses ne signifie donc pas forcément cancer évolutif, c’est même l’éventualité la moins fréquente.
Rechercher ces cellules cancéreuses expose au risque d’en trouver souvent, chez des hommes qui n’en auraient jamais entendu parler de leur vivant. Il existe un risque important de transformer en malades des hommes qui ne le sont pas et qui ne l’auraient jamais été.
De plus, le traitement du cancer de la prostate est loin d’être anodin, malgré les progrès constants de la radiothérapie et surtout de la chirurgie. Les troubles sexuels et les troubles de la continence urinaire restent fréquents et constituent un lourd handicap.
Rendre impuissants ou incontinents de nombreux hommes bien portants serait éventuellement acceptable si ce dépistage sauvait des vies. Ce n’est malheureusement pas le cas. Les études scientifiques portant sur des centaines de milliers d’hommes n’ont pas permis de montrer que ce dépistage sauvait des vies. En ce qui concerne le risque de mourir spécifiquement d’un cancer de la prostate, il ne semble pas diminué par ce dépistage, ou l’est trop faiblement pour que cette diminution puisse être mise en évidence. Les études réalisées sont contradictoire et leur synthèse montre une absence de diminution significative de la mortalité par cancer de la prostate chez les hommes invités à pratiquer un dépistage.
En revanche, il ressort de ces travaux que de nombreux hommes ayant subi une opération ou une radiothérapie présentent des complications significatives de ces traitements. Le diagnostic précoce par dépistage ne semble par changer suffisamment le pronostic des cancers agressifs, tout en conduisant à opérer ou irradier pour rien des hommes qui n’auraient jamais été malades.
Du fait de ces résultats décevants, aucun pays au monde n’a organisé le dépistage du cancer de la prostate, comme c’est le cas pour d’autres cancers dont le dépistage est reconnu comme utile.
L’Organisation Mondiale de la Santé, la Haute Autorité de Santé française, l’Institut National du Cancer ne recommandent pas le dosage des PSA pour ce dépistage. L’organisme américain d’évaluation des dépistages (USPSTF) vient de publier une réévaluation du dépistage du cancer de la prostate à la lumière des travaux scientifiques les plus récents : elle incite les médecins américains à ne plus pratiquer de dosage des PSA dans un but de dépistage.
Voila pourquoi je souhaite que vous réfléchissiez avant de réaliser cette analyse. Une fois votre taux de PSA connu, et si par malheur il est élevé, le doute sera dans votre esprit et vous serez probablement contraint d’aller au bout de la démarche, avec les inconvénients et les incertitudes que je viens de vous exposer.

Mais alors, que faire ?

La médecine est loin d’être armée contre toutes les maladies. Pour de nombreux cancers, la médecine préventive est encore prise en défaut. Nous espérons pouvoir un jour prévenir utilement le cancer de la prostate, comme c’est le cas pour le cancer du col de l’utérus par le frottis de dépistage. En attendant, nous disposons de traitement médicaux qui permettent souvent de contrôler la maladie pendant de nombreuses années, y compris quand elle est découverte à un stade avancé.
En médecine, face à une maladie ou un simple risque, ne rien faire n’est pas toujours la plus mauvaise option, même si cette impuissance nous désole.
Malgré ces explications, vous souhaiterez peut-être bénéficier de ce dépistage par PSA, en considérant que même si le bénéfice est hypothétique, le pari est justifié. En effet, les travaux scientifiques cités plus haut ne permettent pas d’apprécier avec une certitude absolue l’intérêt de ce dépistage, notamment sur plusieurs dizaines d’années de suivi. Je vous accompagnerai alors dans votre choix et vous prescrirai régulièrement un dosage des PSA entre l’âge de 55 et de 69 ans. Avant cet âge et après, le dépistage du cancer de la prostate s’est révélé délétère de façon certaine : trop rare chez l’homme jeune, d’évolution trop lente par rapport à l’âge de la mort naturelle chez l’homme âgé.
S’il vous reste des questions après la lecture de ce document, je serai heureux d’en parler avec vous. Prévoyez de me consulter spécifiquement pour ce problème : la difficulté du sujet et son importance pour votre santé méritent d’y consacrer une consultation entière.

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